Le moulin Bladier, situé en rive droite du fleuve Hérault, est un élément du patrimoine bessanais auquel les habitants sont très attachés. Ses travaux de construction ont probablement débuté à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle. L’ouvrage fut commandité par l’Evêque d’Agde, Tédisio Balbi, dit « Thédise », seigneur de Bessan. Aucun renseignement n’apparaît concernant le maître d’œuvre et les maçons, bien que la qualité de l’édifice induise une main d’œuvre hautement qualifiée.
Le moulin, inféodé en même temps que la seigneurie, reste dans la manse épiscopale jusqu’au début du XIIIe siècle. A cette époque, arrive du Nord une armée venue en croisade vaincre l’Hérésie cathare. L’Evêque d’Agde, placé par les croisés, signe avec eux en 1219 un accord visant à consolider ses possessions en Agathée, moyennant la reconnaissance de droits sur différentes terres. A partir de cette date, le moulin appartient au seigneur de Bessan et d’Avias (Vias), formant une seule et même seigneurie. Puis, au hasard des mariages et des successions, il passe dans le patrimoine de grandes familles comme les Montfort, les Lévis, les Vendome, les Lestang, les Dailhon ou encore les Cruzol d’Uzès.
Le moulin sert à moudre le grain des habitants d’Avias et de Bessan qui, à cause du droit de Banalité en vigueur (décrétant le monopole de certains fours, moulins ou pressoirs), encourent de fortes sanctions s’ils se rendent ailleurs. Au milieu du XVe siècle, la charte de Bessan, définit un accord entre les seigneurs de Bessan et de Vias précisant que les habitants ont le choix de moudre leurs grains où bon leur semble. Au XVIIIe, le moulin est donné à un habitant de Florensac ; à l’époque révolutionnaire, il fait partie de la vente des biens nationaux de seconde origine et est estimé à 63 000 livres ; en 1795, il appartient à Louis Vézian, un fermier de Bessan, puis en 1802, une lettre du maire adressée au préfet, signale un propriétaire nommé Malibran. En 1846, il appartiendra à Pierre Grand, conseiller de la cour impériale de Metz.
Dans une lettre de 1853, ce dernier s’insurge contre l’élévation de la digue d’Agde, qui a pour conséquence de créer des remous préjudiciables au fonctionnement de son moulin, situé en amont, et fait part de son inquiétude face au manque d’activité de son moulin. L’année suivante, l’oïdium envahit les vignes ce qui donnera un nouveau souffle au moulin : il est utilisé pour la triture du soufre importé de Sicile. Mais cette échéance est brève puisque sur l’annuaire du département de l’Hérault, daté de 1891, est stipulé que le moulin a cessé totalement son activité. Au XIXe, d’importantes modifications sont apportées à l’édifice : les deux bâtiments sont reliés et englobés dans un seul et même ensemble. Les crénelages sont obturés et une toiture est apposée.
Le moulin fera l’objet d’une inscription par un arrêté du 15 septembre 1954 sur la liste supplémentaire des monuments historiques. Paul Azéma réalisera en 1968 une céramique sur lave apposée sur une table basse qu’il offrira par la suite à la municipalité (œuvre restaurée en 2016 par Michèle Druilhe).
Le 5 septembre 1973, le moulin apparaît sur le cadastre : parcelle n°2165, section A, feuille 4 avec pour propriétaire, M. de Pesquidou. Toutefois, l’édifice est déjà signalé à l’état de ruines. En 1977, une partie du moulin s’est écroulée, emportée par une crue de l’Hérault et il sera complètement défiguré en 1994 lorsque le syndicat d’adduction d’eau des communes du Bas Languedoc et la station de pompage André-Filliol de Florensac construisent un barrage permettant d’alimenter en eau potable une grande partie du département. Malgré cela, il reste cher aux Bessanais et suscite encore l’intérêt puisqu’il a fait l’objet d’une étude architecturale en 2015 menée par Amata Montella, une jeune diplômée de l’université de Naples. Le moulin Bladier va prochainement être cédé, pour l’euro symbolique, à la commune de Bessan, tel que le souhaitaient le maire et Emilie Feliu, conseillère municipale. A suivre...