HISTOIRE DE FAMILLE
Du plus loin qu’il m’en souvienne, ma grandmère
Marie-Rose Hérail me racontait « L’Onganté
perfectionaté ». J’adorais cette histoire dans
cette étrange langue. Je la suppliais chaque été
de me la raconter comme un rituel de vacances
à Bessan. J’écoutais avec délice l’accent chantant
et je la regardais mimer l’histoire avec malice.
J’aurais voulu que jamais cela ne s’arrête
tellement je me régalais et cela n’a pas changé
lorsque j’ai la chance que la soeur de mon parrain,
Lilian Escande Lignières me la raconte encore
aujourd’hui. J’avais toujours cru que c’était
une histoire du village en patois et dernièrement
pour mon plus grand plaisir, elle m’en a
raconté l’origine. Durant la guerre de 1914, le
soldat Segui, ami intime de Emmanuel Ville (celui
qui a écrit la Cansou de Bessan), d’un naturel
joyeux et optimiste se retrouve dans les tranchées.
Comme chacun sait l’horreur et la désespérance
que vivaient ces soldats, notre ami Segui
pour « remonter le moral des troupes » ou
plutôt pour amuser ses camarades, leur changeait
un peu les idées. Il a composé et raconté
cette petite histoire farfelue dans un charabia
assemblé d’un mélange de français, de patois,
d’espagnol que finalement tout le monde peut
comprendre. De retour de la guerre, cette histoire
a été racontée dans sa famille, puis chez
les Ville et les Lignières. Le soir à la fraiche, du
temps où il n’y avait pas la télé, on sortait les
chaises et l’histoire se racontait dans le village.
Et finalement, de générations en générations,
elle s’est transmise pour le plus grand plaisir
des enfants et des grands qui la racontaient, un
moment de complicité et de rires. Peut-être la
connaissez-vous ? Sinon, retrouvez-là sur le site
internet de la ville de Bessan dans la rubrique
Traditions.
Guylhen Hérail